En faisant quotidiennement mon chemin pour la capitale, j’ai aperçu un essaim d’enfants aux feux avec leurs malettes rouges en bandoulière. Du haut du véhicule de transport commun, je les regardais en plongée, ces enfants d’âge scolarisable qui couraient et faufilaient à qui mieux entre les grosses caisses. J’ai observé une minute de silence avant de me larder de questions :
Des tout-petits à l’école de la mendicité ?
Qui pourraient être comptables et coupables de cette situation ?
Sur qui l’anathème se veut jeté ?
Après quoi j’ai bien écarquillé mes yeux globuleux de somnolence dans l’espoir de pouvoir identifier et décrypter des visages familiers. Peine perdue !
Ils se bousculaient et s’acculaient avec la dernière énergie pour tendre leurs viles sébiles à un gourou pansu qui s’extirpait difficilement de son bolide. Les uns s’abreuvaient de propos impurs ou injures, les peu colosses administraient soit des torgnols soit des chiquenaudes aux faibles qui ne se gardaient de gémir en bas.
J’ai vu deux marmots qui se pilonnaient de coups de poing. Le visage de gourou barbu illuminait d’une joie indescriptible. Preuve qu’il cherchait ces couches défavorisées pour faire ses sacrifices et espérer un mieux-être futuriste.
Des piécettes, des galettes, des dattes, des cauris, des colas, il en donnait avec prodigalité aux petits gueux. Tout de même, une manne pour les enfants vu que les uns les autres sautillaient et frétillaient de joie. Mon coeur s’est arrêté net une fraction de seconde durant. Quelle scène obscène et malsaine ! Mon coeur ! Peu s’en est fallu que mon coeur allât en éclats.
Mon rega est resté longtemps rivé sur les enfants aux boîtes bien pleines de dons bigarrés et bizarres. Sans l’ombre d’une peur quelconque, ils riaient à gueule déployée vers le pied d’un vieil arbre peu feuillu pour se pencher sur leur muni frétin. On grignote, on mange goulûment, on lèche les doigts bien que crasseux, on rote en se pourléchant les babines. Un jour de festin ! Il arrive dès fois que moi aussi je les imite instinctivement ou par mégarde en me pourléchant les babines. Effet de contagion obligeant ! Après ce spectacle désolant, nous avons continué notre chemin.
Arrivé aux feux suivants, grande était ma déception quand j’ai vu un vieil homme qui rivalisait de mendicité avec des femmes aux jumelles et celles en situation de handicap. J’ai été touché de commisération. J’ai envoyé mon regard hagard au ciel pour lui invoquer une aide providentielle à ces âmes damnées. J’ai pensé aussi à ceux qui mangent à leur faim mais sans reconnaissance au bon Dieu. J’ai eu aussi une grise mine envers ces enfants de la rue qui se targuent et narguent les fils et filles de la capitale. Et sans être bourrelets de remords. Quand je vais en profondeur de mes frêles et frettes idées, je me vois gêné aux entournures face au silence coupable l’État.
Ces personnes érigées en parasites sociaux, en parias…! Des enfants d’âge scolarisable qui courent les rues à longueur de journée. Ces enfants, des microbes de demain… Des poudrières !
Des bombes à retardement ! Des virus du développement car habités par l’esprit d’assistanat.
Arrivé au grand carrefour où je dois descendre, mon âme a vibré de derechef et a failli se déloger de mon corps quand j’ai vu un petit de rien qui tenait dans sa main gauche un sachet dégoulinant de sang. Un cortège de grosses mouches escortaient son sachet qui contenait de la viande tout saignante laissant s’évaporer une odeur nauséabonde.
De la viande de quel animal s’agissait-il ? Qui lui a fait un tel don ? Quel danger encourt-il ? Une avalanche de questions me taraudaient de l’esprit.
La nuit arrivée, j’ai eu du mal à fermer l’œil bien que je sois rompu de fatigue. Le sommeil n’était pas au rendez-vous parce que toute ma tête était assaillie de multiples et multiformes interrogations sans perspective d’éléments de réponse satisfaisantes.
La moindre pensée sur ces enfants en loques , à la recherche effrénée de leur pitance journalière et non scolarisés me ait écraser quelques gouttelettes de larmes. Mon sommeil était traqué et attaqué par des questions sans éléments de réponses salvatrices et jusqu’au petit matin.
Face à cette onde de choc, mon appétit habituel a fait place à une anorexie alimentaire qui a laissé en moi des stigmates. Après m’être prêté à certains indiscrétions, commentaires cette ribambelle d’enfants qui essaiment nos villes étaient des élèves de l’école classique. Qui du primaire ! Qui du post scolaire ! Qui du secondaire ! De l’aveu de ces derniers, ils sont venus en ville du fait de la pauvreté et de l’extrême pauvreté. En un mot comme en cent, ils ont fuit leur zone pour sauver leur peau. Hum !
Des mots qui m’ont donné des maux encore à la tête. Il m’a tout l’air que parmi ce petelon de ces gens en mendicité, il y a même des universitaires. Je suis resté glacé, pantois en ces derniers mots. Difficile pour moi d’ailleurs d’y croire dure comme fer.
C’est tristissime !
Que la paix leur revienne de plus belle !
Oumar DIA
Auteur & Analyste politique
Mastérant en Sciences Politiques (UCAD)