Interview Exclusive avec Yero Gaynaako, Artiste-Rappeur Mauritanien

La rédaction de Senescoop Media reçoit dans cette interview exclusive Yero Abdoulaye Sow plus connu sous le nom Yero Gaynaako, Artiste-Rappeur Mauritanien engagé. Yero nous parle de ses débuts dans le mouvement Hip Hop, de son engament pour la défense des droits humains, son avis sur l’actualité politique en Mauritanie notamment la présidentielle de juin dernier, ses projets et son message à la jeunesse africaine. Yero Gaynaako à cœur ouvert…

INTERVIEW…..

Senescoop Media : Bonjour Yéro, vous êtes un Artiste-Rappeur Mauritanien. Présentez-vous brièvement à nos internautes ?

Yero Gaynaako : Bonjour, je m’appelle Yero Abdoulaye Sow  plus connu sous le pseudonyme Yero Gaynaako, je suis rappeur et défenseurs des droits humains. Je suis  originaire de Bababé au sud de la Mauritanie où j’ai grandi avec mes grands-parents qui m’ont transmis des valeurs du « Fuutankaagal » à savoir le travail, le respect et la discipline. Actuellement je réside aux Pays-Bas depuis presque deux (2) ans. Je suis peul donc nomade, je m’adapte vite aux autres sociétés tout en restant fidèle à ma culture, mes principes et à mes valeurs.

Senescoop Media : Vous êtes donc un rappeur Mauritanien engagé. Dites-nous comment le virus du Rap vous a piqué ?

Yero Gaynaako : C’est en 1997 lors de mes vacances à Dakar après mon admission au concours d’entrée secondaire que j’ai découvert le Rap avec des groupes de Rap sénégalais, PBS, Daara j, Black Mboolo etc. J’étais  fidèle spectateur du « Boulevard du rap » et « Harmattan » qui étaient des émissions Hip-hop très aimées par les jeunes au Sénégal. Apres les vacances, je suis reparti dans mon village natal (Bababé) avec des cassettes et un « walkman », je passais tout mon temps à écouter du rap en français ou en wolof.  C’est 7 ans après que j’ai commencé à écrire des textes  en Puular quand je découvrais le rap Puular grâce à BOB, ou Omar Koumé (Omzo Felliti) et d’autres. Leur musique passait sur les ondes de la radio Mauritanie avec Bosko dans l’émission « Subo beldoma » que j »écoutais avec ma  grand-mère sur sa vielle radio « SANYO ». C’est ainsi je me suis lancé dans ce noble art et jusque-là je continu d’apprendre.

Senescoop Media : Votre musique et votre engagement à travers votre groupe de RAP « MINEN TEY » vous ont propulsé au-devant de la scène. Comment êtes-vous parvenu à imposer le Rap Puular en Mauritanie et à sensibiliser les populations par le biais de cette musique ?

Yero Gaynaako : Le Rap Puular avait déjà un succès grâce à BOB et des groupes comme « Diam Min Tekky » mais l’arrivée de notre groupe « Minen Teye »  dans le rap Mauritanien a provoqué beaucoup de changements. Très jeunes, nous étions aussi étudiants  et nous sommes le premier groupe de Rap à se  produire au sein de l’université et les premiers artistes à organiser une conférence de presse après la sortie de notre album qui a connu un grand succès et qui reste le meilleur album (Autoproduction) de l’histoire du  Rap Mauritanien selon les connaisseurs. « Minen Teye »  c’est aussi l’un des groupes instruits, cultivés et on pouvait retrouver toutes les catégories de personnes dans notre public. Ce qui faisait aussi notre force.

Senescoop Media : Yero, le discours des rappeurs Puular est très apprécié dans votre pays. Dites-nous comment se comporte aujourd’hui le Hip Hop en Mauritanie ?

Yero Gaynaako : Le Rap Mauritanien et particulièrement Puular a participé à l’éveil  des consciences vu que les medias mauritaniens n’intéressent pas la jeunesse mauritanienne. Avant même l’avènement de l’internet et des réseaux sociaux, les rappeurs faisaient déjà un excellent travail de sensibilisation. Si nous en sommes là aujourd’hui c’est quelque part grâce aux medias sénégalais, surtout les radios rurales de Thilogne, Matam, Pété, Kasga etc… Aujourd’hui les rappeurs engagés sont devenus ennemis numéro 1 du pouvoir en place à cause de leur discours, de leur influence et l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’opinion publique même si malheureusement nous remarquons de plus en plus de rappeurs corrompus qui ternissent l’image du Rap qui restent jusque-là un vecteur entre toute les composantes nationales.

Senescoop Media : Parlons maintenant de l’actualité, la Mauritanie vient de sortir d’un scrutin présidentiel où le Général Ghazouani est sorti vainqueur avec 52% des voix. Une victoire contestée par l’opposition. Ce qui a causé des violences post-électorales sans précédent conduisant ainsi à l’arrestation de certains leaders de l’opposition. Comment vous avez vécu ces situations à distance ?

Yero Gaynnaako : Vous savez depuis 1978 ce ne sont que des pouvoirs militaires qui se succèdent en Mauritanie, pour certains c’est devenu presque normal. Ces arrestations ne sont que répétition de l’histoire, les mêmes oppresseurs, les mêmes victimes et même nègres de service. Ce qui m’a le plus touché c’est l’arrestation  du doyen Samba Thiam, ancien prisonnier de Ould Taya à Oulata où il passé 5 ans avec travaux forcés pour avoir  dénoncé la situation de l’homme noir. Avec ses camarades ils ont osé écrire le Manifeste du negro Mauritanien opprimé. Une page de notre histoire qui continue d’être actuelle  que beaucoup de nos frères africains ignore mais aussi que certains mauritaniens traitres veulent zapper pour protéger leurs petites opportunités et miettes.

Senescoop Media : Avec le recul, en tant qu’artiste et fervent défenseur de la démocratie dans votre pays, qu’est-ce que vous attendez de la gouvernance du Général Ghazouani ?

Yero Gaynaako : je ne leur demande que le respect de l’expression de la majorité des mauritaniens  qui ont soif de changement et de remettre le pouvoir aux civils. Ghazouani n’est que la continuité de la zizanie, des racistes et esclavagistes auteurs du génocide physique et biométrique contre les noirs de Mauritanie.

Senescoop Media : Revenons à tes activités et projets, vous êtes actuellement aux Pays-Bas où vous vivez depuis quelques années. Vous continuez votre musique et vous travaillez avec d’autres artistes. Vous avez récemment sorti un single intitulé « Beyaat » qui a connu un grand succès. Dites-nous un peu sur le succès de ce single ?

Yero Gaynaako : Beyaat est un discours artistique sur l’actualité, un rappel aussi des conseils pour nous jeunes face la situation de notre pays.Dans « Beyaat » aussi je rends hommage à nos grands hommes.Chez nous les gens ont tendance à prendre Ghandi, Mandela ou Nkurumah comme référence ignorant que des hommes intègres et dignes aussi ont sacrifié leur vie pour nous et que tout a été mis en place pour les ensevelir. Je pense à Ibrahima Sarr, Murtudo, Samba Thiam, Djirbril Hamet Ly, Ibrahima Kassoum Ba, Saidou Kane et Mahamadou Fy de l’enfer d’Inal. Tous ces grands hommes ont été  victimes de l’arbitraire du pouvoir raciste. Ils ont écrit l’une des plus belles pages de la Mauritanie et les vivants parmi eux méritent reconnaissance et je leur souhaite longue vie pour encore nous éclairer. Le single « Beyaat »signifie deuxième Round, c’est un vocabulaire de paysan, après le « Arane »

Senescoop Media : Yero, vous préparez un nouveau projet dénommé « Yerotrip». Vous avez même lancé le teaser de « Kiwal », extrait du projet. Expliquez-nous ce projet « Yerotrip » ? 

Yero Gaynaako : Oui apres « Arane », « Beyaat », nous allons sur « Kiwal » qui est aussi un vocabulaire de paysan mais cette fois artistique car je reconnais que mon engagement a noyé mon côté d’artiste alors j’ai  envie de repartir dans nos rythmes et mélodies sous le clair de la lune (Lewlewal) du village mais aussi mettre en valeur cette belle langue qui est le Puular qui est pour moi un trésor. #Yerotrip c’est un projet dans lequel je suis dans d’autres délires musicaux mais aussi des thématiques sensibles de notre société. Yerotrip est un voyage à travers ma culture et une nouvelle expérience en live avec des musiciens de différentes cultures. Mon défi aussi c’est d’arriver à faire ce que les français, américains et même wolof sont arrivés à faire dans leur langue. J’ai l’une des meilleures plumes du Rap en français dans mon pays et de plus en plus je découvre des merveilles dans le Puular et grâce aux rythmes, aux chants de « kiwal » mais aussi les chants d’initiations qui m’ont bercé. Le rap devient un petit espace pour me retenir. J’ai encore soif de créativités, de découvertes mais aussi de partages. 

Senescoop Media : Vous êtes loin du pays mais vos fans vous suivent de très près. Vous faites souvent des vidéos sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les jeunes. Quel message lancez-vous à la jeunesse Africaine en général et mauritanienne en particulier ?

Yero Gaynaako : mon message pour la jeunesse africaine est un message d’espoir, leur dire que « ça va aller » comme dans un titre de mon EP. Tout va changer mais tout aussi dépendra de nous. Soyons fiers de notre culture, de nos langues et armons nous de sciences jusqu’aux dents comme le disait le professeur Cheikh Anta Diop.

Senescoop Media : Merci Yero, quel est votre dernier mot ?

Yero Gaynaako : C’est avant tout vous remercier de m’avoir donné cette opportunité. Je voudrais aussi remercier tous mes fans pour les messages de soutien et d’encouragement. Le nouveau projet Yerotrip sera bientôt disponible sur la marché et clip « Kiwal » sera aussi bientôt disponible sur ma chaine YouTube et sur tous les réseaux sociaux. A JARAMA !

Propos Recueillis par Yero  Guissé

Rédacteur et Administrateur de Senescoop Media / www.senescoop.net

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